Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/122

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le circonſpect P. B. ſecrétaire du conſeil des X. avoit à me dire. Étonné de cet ordre toujours de mauvais augure, et fort-fâché de devoir y obéir, je me ſuis rendu à l’heure préſcrite à la préſence du miniſtre, qui ſans me dire le moindre mot ordonna qu’on me dépoſe ici. Voilà tout. »

Rien n’étoit ſi innocent que cette faute ; mais il y a au monde des lois qu’on peut violer innocemment ; et les transgreſſeurs n’en ſont pas moins coupables. Je lui ai fait compliment ſur ce qu’il ſavoit ſon crime, ſur ſon crime, et ſur la forme de ſa détention : et comme ſa faute étoit fort-légère, je lui ai dit qu’il ne reſteroit avec moi que huit jours, et qu’après une petite réprimande on lui diroit d’aller paſſer ſix mois chez lui à Breſſe. L’abbé me dit ſincèrement qu’il ne croyoit pas qu’on le laiſſeroit là huit jours : et voilà l’homme qui ne ſe ſentant pas coupable ne peut pas concevoir qu’on puiſſe le punir : j’ai laiſſé qu’il ſe flatte, mais ce que je lui ai dit lui eſt arrivé au pied de la lettre. Je me ſuis bien déterminé à lui tenir bonne compagnie pour ſoulager de tout mon pouvoir la grande ſenſibilité que lui cauſoit ſa détention. Je me ſuis approprié ſon malheur au point