Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/132

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admettre une force intérieure dans qui que ce ſoit à moins qu’il n’en ſente le germe en ſoi-même. Ce que je trouve en moi ſur cette matière eſt que l’homme par une force gagnée moyennant une grande étude peut parvenir à ſe défendre de crier dans les douleurs, et à ſe maintenir fort contre l’impulſion des premiers mouvemens. Cela eſt tout. L’abſtine, et le ſuſtine caractériſent un bon philoſophe, mais les douleurs matérielles qui affligent le ſtoicien ne ſeront pas moindres que celles qui tourmentent l’épicurien ; et les chagrins ſeront plus cuiſans pour celui qui les diſſimule que pour l’autre qui ſe procure un ſoulagement réel en ſe plaignant : l’homme qui veut paroître indifférent à un événement qui décide de ſon état n’en a que l’air, à moins qu’il ne ſoit imbécille, ou enragé. Celui qui ſe vante de tranquillité parfaitte ment, et j’en demande mille pardons à Socrate. Je croirai tout à Zenon, lorsqu’il me dira d’avoir trouvé le ſecrêt d’empêcher la nature de palir, de rougir, de rire, et de pleurer.

Je me tenois ſur mon fauteuil comme un homme extupefait : immobile comme une ſtatue, je voyois que j’avois perdu toutes les peines que je m’étois données ; et je ne pouvois