Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/134

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frir ſans lâcheté tout ce qui pouvoit m’arriver de plus horrible.

Outre les plombs, et les quatre les inquiſiteurs d’État poſſèdent auſſi dix-neuf priſons affreuſes ſous terre dans le même palais ducal, où ils condamnent ceux qui ont commis des crimes qui les ont rendus coupables de mort. Tous les juges de la terre ont toujours cru qu’en laiſſant la vie à celui qui a mérité la mort on lui accorde une grace quelle que ſoit l’horreur de la priſon qu’on lui ſubſtitue. Ces dix-neuf priſons ſouterraines ſont poſitivement des tombeaux ; mais on les appelle puits ; et la raiſon qu’on leur donne ce nom peut être bonne, car effectivement ils ſont toujours inondés de deux pieds d’eau de la mer qui y entre par le même trou grillé par où ils reçoivent un peu de lumière : ces trous n’ont qu’un pied carré d’extenſion. Le priſonnier eſt obligé, à moins qu’il n’aime d’être toute la journée dans un bain d’eau ſalée jusqu’aux genoux, de ſe tenir aſſis ſur un treteau, où il tient auſſi ſa paillaſſe, et où l’on met à la pointe du jour ſon eau, ſa ſoupe, et ſa portion de biscuit qu’il doit manger d’abord qu’on la lui porte, puisque des rats de mer plus grands que ceux que