Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/139

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et par la ſueur qui ſortoit de tout mon corps à groſſes gouttes ne me permettoit ni de marcher, ni de lire. Mon dîner le lendemain fut le même, et la nouvelle puanteur du veau qu’il me porta, et qui étoit encore chaud vint d’abord à mon odorat. Je lui ai demandé s’il avoit ordre de me faire mourir de faim, et de chaleur ; et ſans me répondre le moindre mot il s’en alla. Le jour ſuivant ce fut la même choſe. Je lui ai dit de me donner du crayon, puisque je voulois écrire quelque choſe à M. le ſecrétaire ; et ſans me répondre il s’en alla. J’ai mangé la ſoupe par dépit, et trempé du pain dans du vin de Chipre pour me conſerver en force, et pour le tuer le lendemain en lui enfonçant mon eſponton dans le cou ; cela étoit devenu ſi ſérieux que je trouvois que je n’avois pas d’autre parti à prendre. Mais le lendemain au lieu d’exécuter mon projet je me ſuis contenté de lui jurer de le tuer, lorsque l’on me remettroit en liberté : il en a ri, et ſans me répondre il s’en alla. J’ai commencé à croire qu’il en agiſſoit ainſi par ordre du ſecrétaire, auquel il avoit peut-être déclaré la fracture. Je ne ſavois que faire ; ma patience luttoit avec le déseſpoir ; je me ſentois mourir