Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/138

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l’eau mauvaiſe, de la ſalade pourrie, et de la viande puante ; il ne fit pas nettoyer, et n’ouvrit pas les fenêtres, lorsque je lui ai dit de les ouvrir. Une cérémonie extraordinaire qu’on commença à exercer ce jour là fut l’emploi d’un archer qui avec une barre de fer faiſoit le tour de mon cachot, et frappoit partout ſur le plancher, et ſur les cloiſons pour découvrir s’il n’y avoit rien de rompu, et on retiroit tous les matins le lit pour faire cette même fonction. J’ai obſervé que l’archer qui donnoit ces coups de barre ne frappoit jamais ſous le plafond. Cette obſervation me fit en peu de jours enfanter le projet de ſortir de là par le haut ; mais pour rendre mon projet mûr il falloit des combinaiſons qui ne dépendoient pas de moi ; car je ne pouvois rien faire qui ne fût expoſé à la vue. La moindre égratignure ſeroit ſautée aux yeux de chacun des archers qui entroient dans mon cachot tous les matins.

J’ai paſſé une cruelle journée. La chaleur forte commença vers midi : je croyois poſitivement d’étouffer : mon cachot étoit devenu une véritable étuve. Il me fut impoſſible de manger, ou de boire, car tout étoit corrompu : la foibleſſe cauſée par la chaleur,