Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/148

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avoit des livres, et de l’argent, il employoit deux pages à la deſcription de ſes défauts, et de ſes ridicules. Hors de ces priſons je n’aurois pas répondu à un homme d’un pareil caractère ; mais haut j’avois beſoin de tirer parti de tout. Dans le doſſier du livre j’ai trouvé deux plumes, de l’ancre de la Chine, et deux feuilles de papier dans le livre ; ce qui me mit en état d’écrire avec toute ma commodité.

Tout le reſte de ſa longue lettre contenoit l’hiſtoire de tous les priſonniers qui étoient ſous les plombs, et de ceux qui y avoient été, et qui étoient ſortis depuis les quatre ans qu’il étoit là. Il me rendit compte que l’archer nommé Nicolas lui portoit en cachette tout ce qu’il vouloit acheter, et l’informoit du nom de tous les détenus, et de ce qu’il arrivoit dans tous les autres cachots ; et pour m’en convaincre il me diſoit l’hiſtoire du trou que je devois avoir fait dans le cachot où j’étois, et d’où l’on ne m’avoit tiré que pour y loger le patricien Pr… G. C. qui y fut mis le lendemain de ma ſortie : il me diſoit que Laurent avoit paſſé les deux heures qu’il m’avoit laiſſé ſeul à chercher un menuiſier, et un ſerrurier pour faire remplir,