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puisqu’il eſt bien vrai qu’un homme qui ſe tue annéantit ſes maux, mais il n’eſt pas vrai qu’il s’en délivre, puisqu’en ſe tuant il ſe prive de la faculté de ſentir ce benefice. L’homme ne hait les maux que parcequ’ils ſont incommodes à la vie : des qu’il ne la poſſède plus le ſuicide ne peut le délivrer de rien. Debilem facito manu — Debilem pede, coxa — Lubricos quate — dentes — Vita dum ſupereſt bene eſt.

Ceux qui ont dit que les chagrins ſont plus accablans que les plus grands maux qui affligent notre corps, ont mal dit ; puisque les maux de l’eſprit n’attaquent que l’eſprit, tandis que ceux du corps abattent l’un, et déſolent l’autre. Le vrai ſapiens, l’homme ſage eſt toujours, et par tout plus heureux que tous les rois de la terre niſi quum pituita moleſta eſt. Il n’eſt pas poſſible de vivre long-tems ſans que nos outils s’uſent : je crois même que s’ils ſe conſervaſſent exempts de détérioration nous ſentirions le coup de la mort avec beaucoup plus de ſenſibilité : la matière ne peut reſiſter au tems ſans perdre ſa forme : ſingula de nobis anni prædantur euntes. La vie eſt comme une coquine que nous aimons, à laquelle nous accordons à la fin