Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/16

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toutes les conditions qu’elle nous impoſe, pourvu qu’elle ne nous quitte pas : ceux qui ont dit qu’il faut la mépriſer ont mal raiſonné ; c’eſt la mort qu’il faut mépriſer, et non pas la vie ; et ce n’eſt pas la même choſe : ce ſont deux idées entièrement diverſes : aimant la vie j’aime moi-même, et je hais la mort parcequ’elle en eſt le bourreau : le ſage cependant ne doit que la mépriſer parceque la haine eſt un ſentiment qui incommode : ceux qui la craignent ſont un peu ſots, car elle eſt inévitable ; et ceux qui la déſirent ſont des lâches, car chacun eſt le maître de ſe la donner.

Diſpoſé à écrire l’hiſtoire de ma fuite des priſons d’état de la république de Veniſe qu’on appelle les plombs, je crois, avant que d’entrer en matière, de devoir prévenir le lecteur ſur un article, où il pourroit s’aviſer d’exercer ſa critique. On ne veut pas que les auteurs parlent beaucoup d’eux-mêmes, et dans l’hiſtoire que je vais écrire je parle de moi à tout moment. Je le prie donc de ſe diſpoſer à m’accorder cette permiſſion, et je l’aſſure qu’il ne trouvera jamais que je me faſſe des éloges, car, Dieu merci, au milieu de tous mes malheurs je me ſuis toujours re-