Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/152

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dominante devoit être l’indiscrétion, faiſoit toutes ſes délices. Ses lettres m’amuſoient en même tems qu’elles me découvroient ſes défauts. Il me dit que le comte Asquin étoit un homme de ſoixante et dix ans, incommodé par un fort-gros ventre, et par une jambe qui caſſée jadis, et mal racommodée, le rendoit boiteux. N’étant pas riche il exerçoit dans Udine le métier d’avocat, et il défendoit l’ordre des payſans, que celui des nobles vouloit priver du droit de ſuffrage dans les aſſemblées provinciales : les prétentions des payſans troubloient la paix publique, et les nobles eurent recours au tribunal qui ordonna au comte Asquin d’abandonner leur clientèle ! il avoit répondu que le code municipal l’autoriſoit à défendre la conſtitution, et il désobéit. Les inquiſiteurs d’état le firent enlever malgré le code, et le logèrent ſous les plombs où il y avoit cinq ans qu’il s’amuſoit à lire, et à attendre le moment de ſa liberté. Il avoit comme moi cinquante ſous par jour, et il avoit le privilége de manier ſon argent ; ce qui l’avoit mis en état d’amaſſer quelques douzaines de cequins, puisqu’il ne dépenſait pour vivre que dix à douze ſous par jour. Ce moine qui n’avoit