Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/167

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chez-vous ? lui dis-je. — Je cherche, vous me pardonnerez quelque image dell’ immacolata Vergine Maria, car je ſuis chrétien ; ou au moins quelque paſſable crucifix, car je n’ai jamais eu tant beſoin de prier S. François, dont je porte indignement le nom, comme aujourd’hui.

J’ai eu la plus grande peine à retenir un grand éclat de rire, non pas à cauſe de la piété chrétienne que je révérois, mais à cauſe de la tournure de ſa remontrance : j’ai cru à ſa demande de pardon qu’il me prenoit pour un juif. Je me ſuis hâté de lui donner l’office de la ſainte vierge, dont il baiſa d’abord l’image en me le rendant, et me diſant modeſtement que feu ſon père argouſin de galère avoit négligé de lui faire apprendre à lire ; mais que certainement il vouloit pour le moins apprendre à écrire, car il lui arrivoit d’en avoir beſoin tous les jours. Je lui ai dit que j’allois moi-même dire l’office tout haut, et qu’en l’écoutant il auroit le même mérite, que s’il le récitoit lui-même : il me répondit que ſa dévotion particulière étoit pour le très-ſaint Roſaire, dont il a voulu me narrer une quantité de miracles, que j’ai écoutés avec une patience exemplaire ; et il me dit à la fin que la grace