Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/173

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du chapelain que d’un autre, qu’il n’avoit jamais ſigné aucune écriture, et il me pria de lui dire de quoi il s’agiſſoit. Je me ſuis pour lors mis à rire, je l’ai aſſuré que j’ai badiné, et je l’ai quitté repenti d’avoir écouté mon bon cœur qui m’excita à lui donner un ſage avertiſſement. Le lendemain je n’ai vu ni l’homme, ni le chapelain, et huit jours après j’ai quitté Iſola, pour faire une viſite à Meſſer grande, qui ſans façon me fit hier mettre en priſon chez lui, et aujourd’hui avec vous, dont je remercie S. François ; car je ſuis avec un homme comme il faut, et bon chrétien ; je vous crois ici pour quelque raiſon que vous ſavez, et que je ne vous demanderai pas. Mon nom è Sior Checco da caſtello barbier al ponteſello de S. Martin. Mon nom de famille eſt Soradaci, et ma femme eſt de la maiſon Legrenzi fille d’un ſecrétaire du conſeil de dix, qui devenue amoureuſe de moi ſe moqua du préjugé, et voulut m’épouſer. Elle ſera au déseſpoir de ne pas ſavoir ce que je ſuis devenu, mais j’eſpère de n’être ici que pour peu de jours, et pour la commodité du ſecrétaire, qui apparemment aura beſoin de m’examiner. »