Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que ce quelqu’un ne l’ait dit. L’homme néanmoins, devenu impatient, et foible parvient à croire que l’on puiſſe par quelque moyen occulte découvrir ce moment. Dieu, dit-il, doit le ſavoir, et Dieu peut permettre que l’époque de ce moment me ſoit révélée par le ſort. D’abord que le curieux a fait ce raiſonnement il n’héſite pas à conſulter le ſort, diſpoſé, ou non, à croire infaillible tout ce qu’il peut lui dire. Tel étoit l’eſprit de ceux qui conſultoient jadis les oracles, tel eſt l’eſprit de ceux qui interrogent encore aujourd’hui les cabales ; et qui vont chercher ces révélations dans un verſet de la Bible, ou dans un vers de Virgile, ce qui a rendu ſi célèbres les ſortes vergilianæ dont pluſieurs auteurs nous parlent.

Ne ſachant pas de quelle méthode me ſervir pour me faire révéler le moment de ma liberté par la Bible, je me ſuis déterminé à conſulter le divin poëme du Roland furieux de Meſſire Lodovico Arioſto, que j’avois lu cent fois, et qui faiſoit encore là haut mes délices. J’idolatrois ſon génie, et je le croyois beaucoup plus propre que Virgile à me prédire mon bonheur.