Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/181

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pour toujours. Les inquiſiteurs d’état, et même le ſecrétaire alloient tous les ans paſſer les trois premiers jours de Novembre dans quelque village de la terre-ferme. Laurent dans ces trois jours de vacances de ſes maîtres ſe ſouloit le ſoir, dormoit jusqu’à Terza, et ne paroiſſoit que fort-tard ſous les plombs. Il y avoit déjà un an que j’avois appris cela. Je devois par prudence devant m’enfuir prendre une de ces nuits pour être ſûr que ma fuite n’auroit été découverte que le matin aſſez tard. Une autre raiſon de cet empreſſement, qui me fit prendre cette réſolution dans un tems où je ne pouvois plus douter de la ſcélérateſſe de mon camarade, fut très-puiſſante ; et elle mérite, ce me ſemble, d’être écrite.

Le plus grand ſoulagement qu’un homme qui eſt dans la peine puiſſe avoir eſt celui d’eſpérer d’en ſortir bientôt : il contemple l’heureux inſtant, dans lequel il verra la fin de ſon malheur, il ſe flatte qu’il ne tardera pas beaucoup à arriver, et il feroit tout au monde pour ſavoir le tems précis, dans lequel il arrivera : mais il n’y a perſonne qui puiſſe ſavoir dans quel inſtant un fait qui dépend de la volonté de quelqu’un arrivera, à moins