Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/187

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mettre devant moi, ouvrir la bouche, et me parler en ces termes : Soradaci eſt dévot de mon très-ſaint Roſaire, je le protège, tu me feras plaiſir à lui pardonner, et la malédiction de Dieu ceſſera d’abord d’opérer ſur lui. En récompenſe de ton acte généreux et chrétien, j’ordonnerai à un de mes anges de prendre la figure d’un homme, et de deſcendre d’abord du ciel pour venir rompre le toit de ce cachot, et te tirer dehors dans cinq à ſix jours : cet ange commencera ſon ouvrage aujourd’hui à dix-neuf heures, et il travaillera jusqu’à une demi-heure avant que le ſoleil ſe couche, car il doit remonter au ciel chez moi en plein jour. En fuyant d’ici tu conduiras avec toi Soradaci, et tu auras ſoin de lui pour toute ſa vie ſous condition qu’il quitte pour toujours le métier d’eſpion. Tu rendras fidellement à ce pauvre homme tout ce que je viens de te dire. Ce discours terminé, la ſainte vierge diſparut, et je me ſuis trouvé avec mes yeux ouverts. »

J’obſervois, en me conſervant dans le plus grand ſérieux, la figure de ce traître, qui paroiſſoit pétrifié. Lorsque j’ai vu qu’il ne me répondoit pas, j’ai pris entre mes mains un livre d’heures, je me ſuis fait le ſigne de la croix, j’ai baiſé l’image de la vierge, j’ai arroſé le cachot d’eau bénite, et j’ai com-