Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/191

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le cachot, et que, s’il lui parloit, il devoit lui répondre ſans le regarder, et ne lui dire autre choſe ſi non que les puces ne le laiſſoient pas dormir. Il me promit qu’il feroit exactement ce que je lui ordonnois. J’ai ajouté avec un ton de douceur, mais ferme, et impoſant, que j’étois ainſi inſpiré, et en devoir de tenir les yeux ſur lui pour courir l’étrangler, ſi j’euſſe vu qu’il jetteroit ſur Laurent le moindre regard. Dans la nuit j’ai écrit au moine l’hiſtoire de ce prodige pour lui faire comprendre l’importance de l’exactitude dans le rôle d’ange que je lui faiſois jouer. Je lui diſois que nous ſortirions la nuit du trente un, et que nous ſerions quatre en comptant ſon camarade.

Soradaci le matin exécuta ſa leçon à merveille : il fit ſemblant de dormir. Même étonnement, et augmentation de foi, lorsqu’après dîner l’ange retourna. Je ne lui faiſois que des discours ſublimes inſpirans le fanatisme, et je ne le laiſſois en paix, que lorsque je le voyois ivre de vin prêt à s’endormir, ou ſur le point de tomber en convulſion par la force d’une méthaphyſique tout-à-fait étrangère, et neuve à une tête qui n’avoit jamais exercé ſes facultés que pour inventer des ruſes