Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/195

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lui ai dit que l’ange auroit une barbe longue comme la mienne, et des ciſeaux avec lesquels il nous la couperoit à tous les deux. Toujours étonné il ne doutoit plus de rien, et il me promit obéiſſance ; mais tout étoit déjà fait, et je ne me ſouciois plus de lui en faire croire. Jamais ſept heures ne me durèrent ſi long-tems : au moindre bruit que j’entendois dehors, je m’attendois à voir Laurent qui ſeroit venu prendre l’eſpion, qui n’auroit pas manqué de lui narrer d’abord tous les prodiges, dont il avoit été témoin : j’en ſerois mort de douleur. Je n’avois pas dormi : je n’ai pu manger ni boire : enfin dix-huit heures ſonnèrent.

L’ange n’employa que dix minutes à ouvrir le trou en enfonçant le petit canal : j’ai reçu entre mes bras le père Balbi qui entra ſes jambes les premières. Je l’ai cordialement embraſſé en lui diſant : voilà vos travaux terminés, les miens vont commencer d’abord. L’eſponton vint d’abord entre mes mains, et j’ai donné les ciſeaux à Soradaci pour qu’il coupe nos barbes. Cet homme étoit tout hors de lui-même en regardant le moine qui avoit l’air de tout hormis que d’un ange. Malgré ſa confuſion, il nous fit la barbe à la