Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/194

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fait d’avoir toujours ſoin de lui, il m’en a délivré, Dieu merci, lui-même, car il n’a pas voulu ſe ſauver avec moi ; mais quand même il ſe ſeroit ſauvé avec moi, je confie à mon bon lecteur que je ne me ſerois pas cru parjure en me débarraſſant de lui d’abord que j’aurois cru de pouvoir le faire en toute ſûreté, euſſé-je dû le pendre à un arbre. Lorsque je lui ai juré une aſſiſtance éternelle, je ſavois que ſa foi ne dureroit qu’autant que l’exaltation de ſon fanatisme qui devoit diſparoître d’abord qu’il auroit vu que l’ange étoit un moine. Non merta fè chi non la ſerba altrui, dit le Taſſe. L’homme a beaucoup plus de raiſon d’immoler tout à ſa propre conſervation que les ſouverains n’en ont pour conſerver leurs états.

Le trente au ſoir, j’ai écrit au père Balbi d’ouvrir le trou à dix-huit heures, et d’entrer chez moi : je lui ai dit de porter avec lui des ciſeaux que je ſavois que le comte avoit le privilège de poſſéder. Le trente un, de bon matin, j’ai vu Laurent pour la dernière fois, et d’abord que je l’ai vu parti, j’ai dit à Soradaci que l’ange viendroit à dix-huit heures par le trou du toit, d’où nous ſortirions pour aller faire un autre trou. Je