Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/200

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tout le monde du bon ton devoit ſe promener dans la place de S. Marc, je ne pouvois pas m’expoſer à être vu me promener là-haut. On auroit vu notre ombre fort-allongée ſur le pavé de la place, on auroit élevé les yeux, et nos perſonnes auroient offert un ſpectacle extraordinaire qui auroit excité la curioſité, et principalement celle de Meſſer grande dont les hommes veillent toute la nuit, ſeule garde de la grande ville. Il auroit d’abord trouvé le moyen d’envoyer là haut une bande, qui auroit dérangé tout mon projet.

Remis à la volonté de Dieu, je lui demandois aſſiſtance, et point de miracles : expoſé aux caprices de la fortune, je devois lui donner moins de priſe que je pouvois : ſi mon entrepriſe échouoit, je ne devois pas pouvoir me reprocher le moindre faux pas. La lune devoit infailliblement ſe coucher avant ſix heures, et le Soleil devoit ſe lever à treize et demi : il nous restoit ſix heures de parfaitte obscurité dans lesquelles nous aurions pu agir.

J’ai dit au père Balbi que nous paſſerions quatre heures à cauſer chez le comte Asquin, et d’aller d’abord tout ſeul le pré-