Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/215

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voudra réfléchir que l’homme en état d’inquiétude et de détreſſe n’eſt que la moitié de ce qu’il peut être en état de tranquillité. La cloche de S. Marc qui ſonna minuit dans ce moment là fut le phénomène qui frappa mon eſprit, et qui par une très-violente ſécouſſe le fit ſortir de la dangéreuſe inaction qui l’accabloit. Cette cloche me rappella que le jour qui alloit alors commencer étoit celui de la Tous-ſaints, où mon patron, ſi j’en avois un, devoit ſe trouver ; mais ce qui éleva avec beaucoup plus de force mon courage, et augmenta poſitivement mes facultés phyſiques fut l’oracle profane que j’avois reçu de mon cher Arioſte Tra il fin d’Ottobre, e il capo di Novembre : c’étoit là le moment. Si un grand malheur fait qu’un eſprit fort devienne dévot, il eſt presqu’impoſſible que la ſuperſtition ne veuille pas ſe mettre de la partie. Le ſon de cette cloche me parla, il me dit d’agir, et il me promit la victoire. J’ai pouſſé mon eſponton dans le chaſſis qui entouroit la grille, et je me ſuis déterminé à le détruire, et à l’enlever toute entière. Je n’ai employé qu’un quart d’heure à mettre en morceaux tout le bois qui compoſoit les quatre couliſſes. La grille reſta