Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/214

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la famille du doge, qui auroient pu nous voir ſe ſeroient hâtés de nous faire ſortir, et auroient fait tout hormis que nous remettre entre les mains de la juſtice, quand même ils nous auroient reconnus pour les plus grands criminels de l’état. Dans cette idée je devois viſiter le devant de la lucarne, et je m’y ſuis mis d’abord en levant une jambe, et en me gliſſant jusqu’à ce que je me ſuis trouvé comme aſſis ſur ſon petit toit parallèle, dont la longueur étoit de trois pieds, et la largeur d’un et demi. Je me ſuis alors bien incliné en tenant mes mains fermes ſur les bords, et en y approchant ma tête en l’avançant : j’ai vu, et mieux ſenti en tâtonnant une grille de fer aſſez mince, et derrière elle une fenêtre de vitres ronds joints les uns aux autres par des petites couliſſes de plomb. Je ne fis aucun cas de la fenêtre, quoique fermée, mais la grille, toute mince quelle étoit, demandoit la lime, et je n’avois que mon eſponton.

Penſif, triſte, et confus je ne ſavois que faire, lorsqu’un événement très-naturel arriva pour faire ſur mon ame étonnée l’effet d’un véritable prodige. J’eſpère que ma ſincère confeſſion ne me dégradera pas dans l’eſprit de mon lecteur bon philoſophe, s’il