Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/226

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j’ai cru de céder non pas à la force du ſomeil, mais à une charmante mort. L’aſſouviſſement le plus doux s’eſt emparé de tout mon individu. J’ai dormi presque quatre heures, et ce furent les cris perçans du moine, et les fortes ſécouſſes qu’il me donna qui me réveillèrent. Il me dit qu’onze heures venoient de ſonner, et que mon ſomeil dans notre ſituation étoit incroyable, et inconcevable. Il avoit raiſon, mais mon ſomeil n’avoit pas été volontaire : ma nature aux abois, le travail du corps, et de l’eſprit, l’inanition qui procédoit de n’avoir depuis deux jours ni dormi ni mangé, tout cela m’avoit demandé le ſecours du ſomeil, qui m’avoit déjà rendu ma vigueur. Il me dit qu’il commençoit à déseſpérer de mon réveil, puisque tous ſes efforts conſiſtans en cris, et en ſécouſſes avoient été vains depuis deux heures. J’en ai ri en me réjouiſſant beaucoup de voir que l’endroit, où nous étions, n’étoit plus ſi obſcur : les crépuſcules du nouveau jour entroient par deux lucarnes.

Je me ſuis levé en diſant : ce lieu doit avoir une iſſue ; allons briſer tout ; nous n’avons point de tems à perdre. Nous nous acheminâmes alors au bout oppoſé à la porte de fer,