Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/249

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obſtination me réduit : vous pouvez cependant vous ſauver, car je ne courrai pas après vous pour vous rejoindre. Voyant qu’il ne me répondoit pas, j’ai pourſuivi mon travail : j’ai commencé à avoir peur de me voir pouſſé à bout, et de devoir lutter contre cet animal, dont il eſt certain que je voulois me défaire.

Enfin ſoit réflexion, ſoit peur, il ſe jetta près de moi : ne ſachant pas ſes intentions, je lui ai préſenté la pointe de mon verrou ; mais il n’y avoit rien à craindre : il me dit qu’il alloit faire tout ce que je voulois. Je l’ai alors embraſſé ; je lui ai répété ſa leçon ; je lui ai confirmé la promeſſe de le rejoindre, et je lui ai donné tout le reſte des deux cequins que le comte m’avoit donnés. Je ſuis reſté ſans le ſou, et je devois paſſer deux rivières. Je me ſuis malgré cela bien félicité d’avoir ſu me délivrer de la compagnie d’un homme de ce caractère : pour lors je n’ai plus douté de ſortir d’affaires.

J’ai obſervé ſur une colline à cinquante pas un berger, qui conduiſoit un troupeau de dix à douze brébis, et je m’y ſuis adreſſé pour prendre des informations qui m’étoient néceſſaires. Je lui ai demandé, comment s’appelloit cet endroit, et il me dit que j’étois