Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/251

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rois-je ſans crainte croire, que quelque lecteur ſe moque de moi, que je fus pouſſé à cette maiſon par mon bon génie ? Je dois le croire, car la nature, et la raiſon me repouſſoient de là, et je ne connois pas en pure phyſique un troiſième moteur. Je conviens que dans toute ma vie, je n’ai jamais commis une plus grande imprudence.

J’entre dans cette maiſon ſans héſiter, et même d’un air fort-libre : je vois dans la cour un jeune enfant qui joue à la toupie, et je lui demande où eſt ſon père : il ne me répond pas ; il va appeller ſa mère, et je vois dans un moment une belle femme enceinte, qui me demande fort-poliment ce que je veux de ſon mari, qui n’y étoit pas. Ma préſence lui en impoſa. Je lui ai dit que j’étois fâché que mon compère ne fût pas chez lui autant que charmé d’avoir connu ſa belle moitié. Compère ? dit-elle. Vous êtes donc ſon Excellence Vetturi, qui eut la bonté de promettre à mon mari d’être le parrain de l’enfant, dont je ſuis groſſe. Je ſuis bien enchantée de vous connoître, et mon mari ſera au déseſpoir de ne s’être pas trouvé chez nous. Je lui ai répondu que j’eſpérois qu’il ne tarderoit pas à arriver, car j’avois beſoin de lui demander à ſouper, et un lit, ne