Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulant me montrer à perſonne dans l’état où j’étois. Elle me dit avec vivacité qu’un bon lit, et un paſſable ſouper ne me manqueroient pas, mais qu’il ne falloit pas eſpérer ſon mari de retour, puisqu’il n’y avoit qu’une heure qu’il étoit ſorti à la tête de dix hommes à cheval pour aller chercher deux priſonniers, qui s’étoient enfuis des plombs, dont l’un étoit patricien, et l’autre un particulier nommé C…, elle diſoit que, s’il les trouvoit, il les conduiroit à Veniſe, et ne les trouvant pas, il emploieroit au moins deux, ou trois jours à les chercher. Charmé de me trouver perſuadé, j’ai fait ſemblant d’en être fâché, et de refuſer de reſter chez elle, craignant de la gêner ; mais elle ſut ſe ſervir de manières, auxquelles la politeſſe veut qu’on ſe rende, et j’ai cédé. Pour donner à ma fable un air de vérité, j’ai dit qu’un domeſtique viendroit peut-être me chercher avec ma voiture ; mais que ſi je dormois, je la priois de ne pas me faire réveiller : je lui ajoutai, que ce qui me faiſoit plaiſir étoit, que perſonne de mes amis ne devineroit jamais où j’étois. J’ai vu qu’elle obſervoit mes genoux, et je n’ai pas attendu qu’elle m’interroge pour lui dire que je m’étois bleſſé en tombant de