Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/255

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pour rappeller mon ame à ſes fonctions, pour m’aſſurer que ma ſituation étoit réelle, pour paſſer en un mot du ſomeil au vrai réveil. Mais d’abord que je me ſuis reconnu, je me ſuis vite débarraſſé des ſerviettes, étonné de voir mes playes tout-à-fait ſeches. Je me ſuis habillé dans moins de trois minutes ; j’ai mis moi-même mes cheveux dans la bourſe ; j’ai mis une chemiſe, et des bas blancs, et je ſuis ſorti de ma chambre que j’ai trouvée ouverte. J’ai deſcendu l’escalier, paſſé la cour, et quitté cette maiſon, ſans faire nulle attention qu’il y avoit là deux hommes de bout qui ſans aucun doute ne pouvoient être qu’archers. Je me ſuis éloigné de cet endroit, où j’ai trouvé politeſſe, bonne chère, ſanté, et tout le recouvrement de mes forces, avec un ſentiment d’horreur, qui me faiſoit friſſonner, car je voyois que je m’étois expoſé très-imprudemment au plus évident de tous les risques. Je m’étonnois d’être entré dans cette maiſon, et plus encore d’en être ſorti, et il me paroiſſoit impoſſible de n’être pas ſuivi, et arrêté à chaque pas que je faiſois. J’ai marché cinq heures de ſuite par bois, et montagnes ſans jamais rencontrer que quelques payſans. Je me ſuis apperçu que j’avois oublié