Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ſur le lit ma chemiſe, mes bas, et un mouchoir, et j’en fus affligé, car il ne me reſtoit plus qu’une autre chemiſe ; mais le malheur ne me parut pas grand : ma ſeule penſée étoit de me voir bientôt au-delà de Feltre.

Il n’étoit pas encore midi, lorsqu’allant mon chemin, j’ai entendu le ſon d’une cloche : regardant en bas de la petite éminence où j’étois, j’ai vu la petite égliſe d’où le ſon venoit, et voyant du monde qui y entroit, j’ai cru que c’étoit une meſſe, et il me vint envie d’aller l’entendre : lorsque l’homme eſt dans la détreſſe, tout ce qui lui vient dans l’eſprit lui paroît inſpiration. C’étoit le jour des trépaſſés : je deſcends, j’entre dans l’égliſe, et je ſuis ſurpris d’y voir M. Marc. Gr. neveu de l’inquiſiteur d’état, et M. M. Pis. ſon épouſe : je les ai vus étonnés. Je leur ai fait la révérence, et j’ai entendu la meſſe. À ma ſortie de l’égliſe monſieur me ſuivit, madame y reſta. Il me dit en m’approchant que faites-vous ici, où eſt votre compagnon ? Je lui ai répondu que je me ſauvois d’un côté tandis que par mon conſeil il avoit pris un autre chemin avec ſeize livres que je poſſédois, et que je lui ai données, étant par là reſté ſans le ſou : je lui ai clairement demandé le ſecours