Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/26

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moi tout monde, et vices. Les méchans inventoient des raiſons infames : la choſe, diſoit-on, ne pouvoit pas être naturelle ; et la calomnie s’en mêloit : il y avoit ſûrement là deſſous un myſtère, il falloit le dévoiler. J’ai ſu vingt ans après qu’on nous faiſoit ſuivre, et que les plus fins des eſpions du Tribunal des inquiſiteurs d’état furent chargés de découvrir la raiſon occulte de cette union invraiſemblable, et monſtrueuſe. Pour moi innocent comme je croyois d’être je ne me défiois de perſonne, et j’allois mon train de la meilleure foi du monde.

M. de Br…, d’abord après dîner me dit d’un grand ſang froid, et ſans autres témoins que les deux nobles, qu’au lieu de penſer à tirer vengeance de l’affront fait à mon hôteſſe, je devois penſer à me mettre en lieu de ſûreté. Il me dit que la malle remplie de ſel étoit une contrebande forgée par Meſſer grande, qui n’en vouloit qu’à moi : qu’il étoit vrai qu’il ne parloit que par conjecture, mais qu’ayant eu ſiége dans le tribunal, il reconnoiſſoit le ſtyle de captures qu’il ordonnoit. Il me dit qu’en conſéquence il avoit fait armer à quatre rames ſa gondole, dans laquelle je devois aller ſur le champ à