Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/27

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Fuſine, où je prendrois la poſte pour aller à Florence, et pour y reſter jusqu’à ce qu’il m’eût écrit que je pourrois retourner. À la fin de ſon ſage discours il me donna un rouleau qui contenoit cent cequins. Plein de reſpect et de reconnoiſſance, je lui ai répondu que je lui demandois mille pardons ſi je ne me rendois pas à ſon conſeil. Je lui ai dit qu’en ne me ſentant pas coupable je ne pouvois pas craindre la juſtice du tribunal. Il me dit qu’un tribunal comme celui-là pouvoit en ſavoir plus que moi, et reconnoître en moi des crimes, dont je pouvois me croire innocent, et que ce qu’il y avoit pour moi de plus ſûr en attendant, étoit d’accepter les cent cequins, et de m’en aller. Je lui ai alors dit que l’homme ne pouvoit pas être criminel ſans le ſavoir, et que j’aurois commis une faute contre moi-même, ſi en fuyant j’euſſe pu donner un indice aux inquiſiteurs d’état de quelque remords de conſcience, qui n’auroit pu que les confirmer dans leur propre idée. Je lui ai ajouté que le ſilence étant l’ame de ce grand Magiſtrat, il ſeroit impoſſible de pénétrer après mon départ ſi j’euſſe eu raiſon de me ſauver, et que je ne pouvois prendre ce parti qu’en donnant à ma patrie un éternel