Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/262

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étions des gens, qui ſe ſauvoient de l’état de Veniſe. J’ai paſſé à Trente, et de là à Bolzan, où n’ayant plus d’argent pour avancer chemin, je me ſuis préſenté à un vieux banquier nommé Mench, auquel j’ai demandé un homme ſûr pour l’envoyer me prendre de l’argent à Veniſe : je l’ai prié en même tems de nous recommander à un aubergiſte jusqu’au retour de l’homme. Ce banquier qui rioit toujours fit tout. En huit jours, dans lesquels nous ne ſommes jamais ſortis, et que j’ai tous paſſés au lit, l’homme eſt retourné avec une lettre de change de cent cequins ſur le même Mench. Avec cet argent je me ſuis habillé ; mais je me ſuis auparavant acquitté de ce devoir vis à vis du père Balbi, qui me diſant toujours, que ſans lui je ne me ſerois jamais ſauvé, me faiſoit entendre qu’il étoit devenu propriétaire juridique au moins de la moitié de toute ma fortune éventuelle.

J’ai pris la poſte, et ayant voulu dormir toutes les nuits, nous ſommes arrivés à Munick le quatrième jour. Mon camarade devenoit chaque jour plus inſoutenable. Il devenoit amoureux de la ſervante dans toutes les auberges, et ne ſachant pas parler, ni