Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/44

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pas lire), il me dit de rayer papier, écritoire, miroir, et raſoirs ; car tout cela étoit défendu par inſtitution, et il me demanda de l’argent pour acheter le dîner que je lui avois ordonné. Je lui ai donné un cequin de trois dont j’étois poſſeſſeur. Je l’ai entendu partir une demi heure après. Dans cette demi heure, comme j’ai ſu dans la ſuite, il avoit ſervi ſept autres priſonniers qui étoient détenus là-haut, chacun ſéparé, et dans l’impoſſibilité de tout commerce réciproque, et d’avoir connoiſſance ni du nom, ni de la qualité de ceux que le même malheur accabloit.

Vers midi cet homme parut dans le galetas ſuivi de cinq archers deſtinés au ſervice des priſonniers d’état (c’eſt le titre dont on nous honoroit). Il ouvrit mon cachot pour introduire les meubles que j’avois ordonnés, et mon dîner. On fit le lit dans l’alcove, et on mit mon dîner ſur la petite table ; il me donna une cuillère d’ivoire qu’il avoit achetée de mon argent, en me diſant que couteau, et fourchette étoient défendus, comme tout outil de métal, et qu’il ne me laiſſoit mes boucles que parcequ’il voyoit qu’elles étoient de pierres. Il me dit de lui ordonner ce que