Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/43

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tems de penſer à ce que je voulois manger. Je lui ai répondu, ſans rélever ſa raillerie, que je voulois une ſoupe au ris, du bouilli, du rôti, des fruits, du pain, du vin, et de l’eau : j’ai vu ce butor étonné de ne pas entendre les plaintes auxquelles il s’attendoit. Après s’être arrêté une minute, voyant que je ne lui diſois rien, et ſa dignité ne lui permettant pas de me demander ſi je voulois autre choſe, il s’en alla ; mais un quart d’heure après il reparut, et me dit qu’il s’étonnoit que je ne vouluſſe pas avoir un lit, et ce qu’il me falloit, puisque, ſi je me flattois de n’avoir été mis là que pour une nuit je me trompois. Je lui ai répondu qu’il me feroit plaiſir en me portant ce qu’il me croyoit néceſſaire. Où faut-il, me dit-il, que j’aille le chercher ? Je lui ai dit d’aller chez moi, et de me porter tout. Il me donna pour lors un morceau de papier, et un crayon. J’ai demandé par écrit lit, chemiſes, bas, robe de chambre, bonets, peignes, pantoufles, fauteuil, table, miroir, raſoirs, et nommement les livres que Meſſer grande avoit trouvés ſur la tablette près de mon lit ; outre cela, papier, plumes, et ancre. À la lecture que je lui ai faite de ces articles (car il ne ſavoit