Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/48

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poumon. La cité myſtique m’intéreſſa un peu. J’ai lu tout ce que l’extravagance d’une imagination échauffée d’une vierge extrêmement dévote, eſpagnole, mélancolique, enfermée dans un couvent, ayant des directeurs de conſcience ignorans et flatteurs, pouvoit enfanter. Toutes ſes viſions chimériques, et monſtrueuſes étoient décorées du nom de révélations : amoureuſe, et amie très-intime de la ſainte vierge, elle avoit reçu ordre de Dieu même d’écrire la vie de ſa divine mère : le ſaint eſprit lui avoit fourni les inſtructions qui lui étoient néceſſaires, et que perſonne ne pouvoit avoir lues nulle part. Elle commençoit l’hiſtoire non pas du moment de ſa naiſſance, mais de celui de ſa très-immaculée conception dans le ventre de ſainte Anne. Cette ſœur Marie d’Agreda étoit ſupérieure d’un couvent de cordelières fondé par elle-même chez elle. Après avoir narré en détail tout ce que la mère de Dieu fit dans les neuf mois avant ſa naiſſance, elle dit qu’à l’âge de trois ans elle balayoit ſa maiſon aidée par neuf cent domeſtiques, tous anges que Dieu lui avoit deſtinés, commandés en perſonne par leur prince arcange Michel qui alloit, et venoit d’elle à Dieu, et de Dieu à elle