Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/49

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pour leurs réciproques ambaſſades. Ce qui frappe dans ce livre eſt l’aſſurance où le lecteur judicieux doit ſe trouver qu’il n’y a rien dans tout l’ouvrage que l’auteur plus que fanatique, puiſſe avoir cru d’avoir inventé : l’invention ne peut pas aller jusque-là : tout eſt dit de bonne foi : ce ſont des viſions d’une cervelle ſublimée, qui ſans aucune ombre d’orgueil, ivre de Dieu croit de ne révéler autre choſe que ce que le ſaint eſprit lui dicte : ce livre étoit imprimé avec la permiſſion de l’inquiſition : je ne pouvois revenir de mon étonnement : bien loin d’augmenter, ou d’exciter dans mon eſprit une ferveur, un zele de religion, il me tenta de traiter de fabuleux tout ce que nous avons de myſtique, et de dogmatique auſſi.

Le caractère de ce livre porte des conſéquences : un lecteur d’un eſprit plus ſusceptible que le mien, et plus attaché au merveilleux risque en le liſant de devenir viſionnaire, et graphomane comme cette vierge. La néceſſité de m’occuper à quelque choſe m’a fait paſſer une ſemaine ſur ce chef-d’œuvre d’un eſprit exalté qui forge : je n’en ai jamais rien dit au ſot gardien ; mais je n’en pouvois plus. D’abord que je m’endor-