Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/52

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plaiſoit à cet homme avare, et bavard étoit mon ſilence. Le lendemain, il me dit que le tribunal m’aſſignoit cinquante ſous par jour dont il devoit être le caiſſier, et dont il me rendroit compte tous les mois, et feroit l’uſage que je lui ordonnerois de mes épargnes. Je lui ai dit de me porter deux fois par ſemaine la gazette de Leide, et il me répondit que ce n’étoit pas permis. Ces cinquante ſous par jour étoient plus qu’il ne me falloit, puisque je ne pouvois plus manger : l’extrême chaleur, et la diéte m’avoient rendu languiſſant : c’étoit le tems de la canicule, et la force des rayons du Soleil qui dardoient les plombs me tenoit comme dans une étuve : la ſueur qui ſortoit de mon corps ruiſſeloit ſur le plancher à droite, et à gauche de mon fauteuil, où il me ſembloit de me ſoulager en me tenant tout nu.

Au bout de quinze jours que je n’allois à la ſelle, j’y fus, et j’ai cru de mourir des douleurs, dont je n’avois pas d’idée : ce fut la maladie des hémorroïdes internes qui me prit alors, et dont je ne ſuis plus guéri : ce ſouvenir, qui me rappelle de tems en tems la cauſe, ne vaut rien pour me la faire chérir : ſi la phyſique ne nous donne pas ces bons