Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/56

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Sans connoître cet auteur, j’en avois la plus grande idée ; mais n’ai pu commencer à le lire que deux ſemaines après. Pour ſavoir ce qu’il vaut il faut le lire dans la ſituation où j’étois. Perſonne ni avant ni après lui eſt parvenu à fournir un beaume pareil aux eſprits affligés. Seneque à côté de lui devient petit.

Pluſieurs clyſtères d’eau d’orge me guérirent en huit jours de la fiévre, et calmèrent l’autre cruelle incommodité, et huit jours après l’appetit vint. Au commencement de Septembre je me portois bien : je n’endurois autre mal réel qu’une extrême chaleur, les puces, et l’ennui, car je ne pouvois pas lire Boece toute la journée. Le gardien me dit que je pouvois ſortir du cachot pour me laver, et marcher tandis que ſes gens faiſoient mon lit, et balayoient à force, ſeul moyen de diminuer la maudite vermine qui ſe nourriſſoit de mon ſang. Cette promenade de cinq minutes que je faiſois tous les matins dans le galetas, et avec violence me paroiſſoit une grace eſſentielle. C’étoit peut-être un ordre que le ſecrétaire avoit donné, ou c’étoit un arbitre du gardien, s’il étoit vrai que ce ne fût pas permis. Le fait