Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/63

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poutre non pas branler, mais ſe tourner vers ſon côté droit, et ſe retourner d’abord comme elle étoit par un mouvement contraire lent, et interrompu : en même tems ayant ſenti que j’avois perdu mon à plomb je fus convaincu que c’étoit une ſecouſſe de tremblement de terre, et mes gens s’en apperçurent : je n’ai rien dit, et je me ſuis ſenti réjoui de ce phénomène. Quelques ſecondes après, ce même mouvement reparut ; et je n’ai pu empêcher qu’il ne m’échappât de la bouche ces mots : un’altra, an’altra, gran Dio, ma più forte. Les archers effrayés de ce qui leur ſembla impiété d’un déseſpéré fou, et blaſphémateur s’enfuirent ſaiſis d’horreur. En m’examinant après, j’ai trouvé que je calculois entre les évenemens poſſibles l’écroulement du palais ducal compatible avec le recouvrement de ma liberté : le palais précipité devoit me jetter ſans le moindre détriment ſain, ſauf, et libre ſur le beau pavé de la place de S. Marc. C’eſt ainſi que je commençois à devenir fou. Cette ſecouſſe vint du même tremblement de terre qui écraſa dans ces mêmes jours Lisbonne.

Pour préparer mon lecteur à bien comprendre ma fuite d’un endroit pareil il faut