Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/62

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ſentois ſûr de retourner chez moi. Mais le jour parut, Laurent vint, et ne me dit rien de nouveau. J’ai paſſé cinq ou ſix jours dans la rage, dans le déseſpoir. J’ai cru qu’il ſe pouvoit que par des raiſons que j’ignorois on eût décidé de me tenir là pour tout le reſte de mes jours. Cette idée affreuſe me fit rire ; car je ſavois d’être le maître de n’y reſter que très-peu de tems, une fois que j’euſſe pu me réſoudre à me procurer la liberté au risque de ma vie.

Deliberata morte ferocior, ce fut au commencement de Novembre que j’ai formé le projet de ſortir par force d’un lieu où on me tenoit par force : cette penſée devint mon unique : j’ai commencé à chercher, à inventer, à examiner cent moyens de venir à bout d’une entrepriſe qu’avant moi pluſieurs peuvent avoir tentée ; mais que perſonne ne put conduire à ſon terme.

Dans ce même tems il m’arriva un matin un accident qui me fit connoître la miſérable ſituation de mon ame. J’étois debout dans le galetas regardant en haut vers la lucarne : je voyois également la groſſe poutre. Laurent mon gardien ſortoit de mon cachot avec deux de ſes gens, lorsque j’ai vu l’énorme