Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/82

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ſon livre le titre de celui de Salomon. Mon camarade pourſuivit ainſi.

Délivré par Charron de certains ſcrupules, et de toutes les anciennes fauſſes impreſſions, j’ai pouſſé mon commerce de façon qu’en ſix années je me ſuis trouvé maître de neuf mille cequins. Il ne faut pas vous étonner de cela, car cette ville eſt fort-riche, mais le jeu, la débauche, et la fainéantiſe mettent tout le monde dans le déſordre, et dans le beſoin d’argent, et les ſages profitent de ce que les fous diſſipent.

Il y a trois ans qu’un comte Ser… fit connoiſſance avec moi, et m’ayant connu pour économe me pria de prendre de lui cinq cent cequins, de les mettre dans mon commerce, et de lui donner la moitié de l’utilité : il n’exigea qu’une ſimple quittance, dans laquelle je m’engageois de lui remettre la même ſomme à ſa réquiſition. Je lui ai donné au bout de la première année ſoixante et quinze cequins, qui fait le quinze pour cent, et il me donna quittance ; mais il ſe montra mécontent. Il eut tort, puisque ſon argent ne m’a rien produit : j’ai toujours négocié avec le mien. La ſeconde année par pure généroſité j’en ai fait de même, et nous