Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/81

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dans l’enfance ; il le délivre des craintes d’une vie future ; il lui fait ouvrir les yeux ſur tout, et lui fournit à la fin le vrai moyen de devenir heureux, et foncièrement ſavant. Si vous ſortez jamais d’ici procurez-vous cette lecture, et vous aimerez toujours celui qui vous l’a ſuggerée : ſi quelqu’un vous dit qu’elle eſt défendue traitez-le de ſot.

À ce discours j’ai entièrement connu quel homme c’étoit, car je connoiſſois ce livre, et j’ignorois qu’on l’eût traduit. Mais quels ſont les livres auxquels on ne fait pas cet honneur à Veniſe ? Charron fut ami, et admirateur de Montaigne, et crut d’aller au-delà de ſon modèle : il n’a jamais eu la moindre approbation des gens de lettres ; car, mauvais phyſicien, il raiſonne mal. Il a donné une forme méthodique à pluſieurs choſes que Montaigne couche ſans ordre, et qui jettées là par le grand homme ne parurent pas ſujettes à cenſure ; mais Charron prêtre, et théologien, fut juſtement improuvé : on ne l’a pas lu ; et on l’a laiſſé dans la fange. Le traducteur italien très-ignorant n’a pas ſeulement ſu que Saggezza eſt un mot inuſité, mauvais ſynonyme de Saviezza. Il falloit dire Sapienza. Charron eut la follie de donner à