Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/84

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bon de permettre aux inquiſiteurs d’état d’envoyer chez moi leurs gens pour faire une exécution. Je ne ſavois pas que cela pouvoit ſe faire. J’ai attendu cette viſite avec courage ayant mis tout mon argent en lieu de ſûreté. Je n’aurois jamais pu croire que l’ambaſſadeur leur auroit permis de s’emparer de ma perſonne comme ils firent. À la pointe du jour Meſſer grande vint chez moi, et me demanda trois cent cinquante cequins ; et à ma réponſe que je n’avois pas le ſou il me fit amener dans une gondole ; et me voilà.

Après cette narration j’ai fait pluſieurs réflexions ſur l’infame coquin qu’on avoit mis en ma compagnie. Je trouvois très-juſte ſa détention, et l’ambaſſadeur louable de l’avoir livré. Cet homme a paſſé dans ſon lit tous les trois jours qu’on l’a laiſſé avec moi : il eſt vrai qu’il faiſoit un grand froid. Il m’a toujours ennuyé en me faiſant des diſcours où il me citoit toujours Charron : ce fut alors que j’ai reconnu la vérité du proverbe Guardati da colui che non ha letto che un libro ſolo. J’ai bien maudit Charron et les uſuriers.

Le quatrième jour une heure après Terza Laurent vint ouvrir le cachot, et or-