Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/87

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foible peu de momens après ſon eſſor. Malgré les livres que je me ſuis procurés d’abord, mon projet étoit toujours préſent à mon imagination, et j’y rapportois tous les objets qui ſe préſentoient à ma vue dans la petite promenade qu’on me permettoit le matin dans le galetas.

Laurent me dit que M. de Br… s’eſt préſenté lui-même aux inquiſiteurs d’état en leur demandant à genoux la grace de me faire parvenir quelque marque de ſa conſtante amitié, ſi j’étois encore dans le nombre des vivans, et qu’ils lui avoient accordé ce qu’il avoit demandé.

Un matin, mes yeux s’étant arrêtés ſur le long verrou de fer qui étoit ſur le plancher avec d’autres vieux meubles, je l’ai conſidéré comme une arme offenſive, et défenſive, et je l’ai pris, et porté dans mon cachot, en le cachant ſous mon habit. Reſté ſeul je l’ai bien examiné, et en me le figurant bien pointu j’ai vu que ce ſeroit un excellent eſponton, et bon à tout. J’ai pris le marbre noir premier de mes larcins, et je l’ai reconnu pour une parfaitte pierre de touche, puisqu’après un long frottement d’un bout du verrou contre la pierre j’ai vu ſur le même bout une facette.