Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/88

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Devenu curieux de ce rare ouvrage où je me voyois nouveau, et où je me trouvois excité par l’eſpoir de poſſéder un meuble qui devoit être là dedans très-défendu, encouragé auſſi par la vanité de réuſſir à faire une arme ſans les inſtrumens néceſſaires pour la compoſer, enhardi par les difficultés mêmes qui s’oppoſoient à la conſtruction ; car je devois frotter le verrou prèsqu’à l’obſcur ſur la hauteur d’appui ſans pouvoir tenir ferme la pierre qu’avec ma main gauche, et ſans avoir de l’huile pour l’humecter, et émoudre plus facilement le fer que je voulois rendre pointu : je n’ai fait uſage que de ma ſalive, et j’ai travaillé quinze jours pour affiler huit facettes piramidales qui à leur bout formèrent une pointe parfaite : ces facettes avoient un pouce et demi de longueur. Cela formoit un ſtilet octangulaire auſſi bien proportionné qu’on n’auroit pu exiger d’avantage d’un bon taillandier. On ne peut pas ſe figurer la peine, l’ennui que j’ai enduré, et la patience que j’ai dû avoir à cette déſagréable beſogne ſans autre outil qu’une pierre volante : ce fut pour moi un tourment d’une eſpèce quam ſiculi non invenere tyranni. Je ne pouvois plus mouvoir mon bras droit, et mon épaule me