Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/96

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un excellent briquet : il ne me reſtoit que les allumettes, et l’amadou dont la proviſion me mettoit aux champs ; mais à force d’y penſer je l’ai trouvée, et la fortune s’en mêla.

Une effloreſcence dartreuſe qui de tems en tems m’envahiſſoit en me cauſant une très-incommode démangeaiſon ſur tout le corps m’aſſaillit, et me fit prier Laurent de porter un billet au médecin dans lequel je demandois un prompt remède. Le lendemain il me porta la réponſe qu’il fit lire au ſecrétaire, dans laquelle il n’y avoit que ces deux lignes. Diète et quatre onces d’huile d’amandes douces, et tout s’en ira ; ou une onction d’onguent de fleur de ſouffre, mais ce topique eſt dangéreux. Ravi d’aiſe, j’ai quaſi perdu mon air d’indifférence : Je me moque, lui dis-je, du danger : achetez-moi de l’onguent de fleur de ſouffre, et portez-le-moi demain : ou donnez-moi du ſouffre ; j’ai ici du beurre, et je me ferai l’onguent moi-même. Avez-vous des allumettes ? donnez-les-moi. Il tira de ſon étui toutes celles qu’il avoit, et me les donna. Grand Dieu ! Qu’il eſt facile d’avoir de la conſolation quand on eſt dans la détreſſe !