Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/95

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terre, que j’ai retenue en la cachant, où on me portoit des œufs brouillés dans le beurre : je me ſuis rendu poſſeſſeur d’huile en diſant que l’ordinaire avec lequel on m’aſſaiſonnoit la ſalade étoit mauvais, comme il l’étoit effectivement : on n’eut pas de difficulté à m’acheter de l’huile de Lucques, et à me porter tous les jours de la ſalade que je ne mangeois pas pour épargner l’huile. J’ai extrait de ma couverture de lit rembourrée aſſez de coton pour me faire des lumignons en le filant à ſec, et ſi bien entortillés, que je me ſuis étonné de les avoir ſu faire. J’ai fait ſemblant d’être tourmenté par une forte douleur de dents, et j’ai dit à Laurent de me porter de la pierre ponce qu’il ne connoiſſoit pas : je lui ai ſubſtitué une pierre à fuſil en lui diſant qu’elle feroit le même effet ayant été miſe pour un jour dans du fort vinaigre, et appliquée après ſur la dent : elle m’auroit ſoulagé de la douleur. Laurent me dit, comme je l’avois prévu que le vinaigre qu’il m’avoit porté étoit excellent, et que je pouvois y mettre la pierre moi-même ; et il me donna d’abord deux ou trois pierres qu’il avoit dans la poche. Une boucle d’acier que j’avois à la ceinture de mes culottes devoit être