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Page:Castellion - Traité des hérétiques.pdf/30

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TRAITÉ DES HÉRÉTIQUES

plus endurer l’autre, s’il est discordant en quelque chose avec lui, comme s’il n’y avait pas aujourd’hui quasi autant d’hommes que d’opinions. Toutefois il n’y a aucune secte, laquelle ne condamne toutes les autres, et ne veuille régner toute seule. De là viennent bannissements, exils, liens, emprisonnements, brûlements, gibets, et cette misérable rage de supplices, et tourments, qu’on exerce journellement, à cause de quelques opinions déplaisantes aux grands, et mêmement de choses inconnues, et déjà disputées entre les hommes, par si longue espace de temps et sans aucune certaine conclusion.

Et s’il y a aucun cependant qui s’efforce de s’apprêter cette robe blanche, c’est à dire, de vivre saintement, et justement, tous les autres s’élèvent d’un consentement contre lui, mêmement s’il est discordant avec eux en quelque chose : ils l’accusent, et prononcent hérétique, sans en faire aucune doute, comme s’il se voulait justifier par ses œuvres, et lui mettent sus faussement crimes horribles, et lesquels il ne pensa jamais, puis le charbonnent et défigurent tellement par leurs calomnies envers le commun peuple que les hommes estiment grand péché de l’ouïr seulement parler. De là vient cette rage cruelle et brutale, à exercer cruauté, en sorte qu’on en voit d’aucuns être tellement enflambés par telles calomnies, qu’ils sont comme enragés et forcenés, s’ils voient quelqu’un de ceux qu’on fait mourir être premièrement étranglé, et non pas rôti tout vif à petit feu.