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IX
AVANT-PROPOS

mettrait un homme de bonne volonté en mesure de lier connaissance avec nombre d’œuvres importantes du Moyen Âge français. Je reviens aux Fils Aymon.

La composition paraît manquer d’art, parce que c’est un premier assemblage d’éléments qui ne sont ni d’un même auteur ni de même date. Dans les dernières rédactions, les parties sont mieux subordonnées à l’idée générale qu’expriment les vers que j’ai pris pour épigraphe : la mort de Beuves a pour conséquence que Renaud tue un neveu de l’empereur. De ces faits tout découle naturellement. À cet égard notre mauvaise édition en prose marque le terme où les remanieurs se sont arrêtés. Mais à passer par des mains moins habiles que celles des diascévastes grecs, le vieux poème perdait en vérité, perdait surtout en intensité d’action, de sentiment et d’expression. L’on s’en aperçoit sans peine à la seule comparaison des trois mille vers de la fin, telle que je l’ai donnée, et du texte plus récent que le premier éditeur avait emprunté d’une rédaction toute différente pour le fond et la forme.

Les Fils Aymon, Renaud surtout, font l’unité de l’action, car sauf dans la première branche ou Beuves d’Aigremont, et dans la courte narration d’une guerre de Saxe où Roland fait ses premières armes, Renaud, seul ou avec sa famille, est toujours au premier plan. Se réconciliera-t-il avec Charles ? et quand il aura fait sa paix avec le roi, quelles seront pour lui et pour les siens les conséquences de cette paix ? Tel est le cadre du récit à partir de la mort de Bertolais. La pénitence et le martyre du héros achèvent la narration d’une manière attendrissante et noble. L’ensemble laisse une impression de grandeur.

Mais dans tout cela l’on n’a point la cause essentielle de la popularité qui est restée si longtemps fidèle à l’Histoire des Quatre Fils Aymon.

La multiplicité des personnages intéressants, la variété des caractères dont plusieurs ne sont pas seulement esquissés, l’antagonisme des deux parentés en conflit, celle de la geste de Ganelon, formée de traîtres, et celle que constituent les barons loyaux, tous attachés à Renaud par le lien du sang, la diversité des situations, la réunion des noms