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à rien, son esprit de sacrifice lorsqu’il ne sacrifie que ce qu’il ne peut avoir.

Il pose, sans cesse en victime de son désintéressement, et cependant, comme le renard vis-à-vis les raisins, il ne trouve de trop vert que ce qu’il ne peut attraper.

Heureux M. Chapleau !

Ce qu’il abandonne dans la profession, ce n’est que sa clientèle journalière de la Cour de Police ; tout au plus a-t-il sacrifié les profits plus ou moins problématiques que donnent même les plus brillants succès en cour criminelle ; ce qui cependant lui permet de répéter sans cesse, comme Blake, que sa profession était pour lui la source d’une fortune colossale, et qu’en renonçant à cette fortune, il s’est sacrifié pour son pays.

Heureux M. Chapleau !

Il devient actionnaire dans le chemin de St-Lin. C’est là qu’il dit avoir placé ses économies ! De plus, son beau-père fournit $40, 000.00 pour bâtir le chemin. Tout cela est l’œuvre du patriotisme, bien entendu !

Et de suite, il faudrait déplacer le tracé du chemin de fer du Nord, pour le faire passer par St-Lin, de manière que les 15 milles de chemin dont M. Chapleau est co-propriétaire, deviennent partie du chemin provincial. En ne choisissant pas ce tracé patriotique, M. de Boucherville a encouru de bien sévères reproches. Ce n’est que dans l’intérêt de la Province qu’il veut ainsi déplacer le chemin du Nord ; mais comme une telle politique sert admirablement ses intérêts !

Heureux M. Chapleau !

Plus tard, ce chemin est vendu à la poursuite du beau-père et racheté par Senécal pour une faible somme, moins de $50, 000.00, croyons-nous, et tous les gros actionnaires et fournisseurs, tels que Deslongchamps, par exemple, qui y ont mis des milliers et milliers de piastres en bel argent sonnant, toute leur fortune, en un mot, se trouvent perdre tous leurs droits. Plus tard, M. Chapleau se sert de tout le poids de son influence de chef, il use de toutes les rigueurs de la discipline pour imposer au parti conservateur la vente du chemin du Nord.

Cette vente, c’est bien pour le salut de la Province qu’il l’impose. Oh oui ! mais la vente est faite à la condition que le syndicat du Pacifique achète en même temps l’embranchement de St-Lin et paie §300, 000.00 pour ce qui ne coûtait, que $50, 000.00 à M. Senécal. Et quelques jours après cette vente, M. Chapleau, l’homme au « seul capital de ses dettes », suivant son expression, plaçait sur deux propriétés $24, 000.00 ! Comme son intérêt personnel et celui de ses amis