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VI


À propos de conciliation et de la fourchette magique de Mtre Dansereau, voilà que la dernière combinaison du héros des Tanneries menace de réussir à merveille. Se sentant écrasés sous le poids du mépris de tous les conservateurs honnêtes, et croyant que, malgré les majorités fabuleuses que le parti a mises à leur disposition, le pouvoir ne tient pas dans leurs mains, l’on dit que nos Seigneurs et Maîtres cherchent ailleurs un appui qu’ils se sentent indignes de recevoir de leurs anciens amis politiques.

Déjà le parti libéral, dans la personne de Starnes, dans celle de Mercier et de la patrie, leur a aidé à escamoter le chemin de fer du Nord. « Pourquoi, se dirent-ils, n’aurions-nous pas recours à cette portion des libéraux connus depuis longtemps pour avoir abdiqué tout sentiment de patriotisme, tous principes sains en matières sociales ? »

Ils ont eu raison : les qualificatifs que se sont mutuellement appliqués les deux écoles de la Patrie et de la Minerve, nous ont fait voir qu’ils se connaissent, s’apprécient et se trouvent dignes les uns des autres. Et l’on vient de voir, à Terrebonne comme à Jacques-Cartier, les touchantes embrassades de Messieurs Chapleau et Poirier, Mousseau et Laflamme, etc., etc. Désormais, c’est la Patrie qui, des larmes dans la voix et avec l’accent du patriotisme, supplie les électeurs d’élire nos chefs, comme étant les meilleurs législateurs, les hommes les plus capables de faire le bien du pays. Et l’on dit qu’en retour nous verrons bientôt 1° M. Laflamme nommé codificateur, pour inoculer dans notre législation les principes sociaux élaborés avec soin dans l’Institut canadien et le procès Guibord ; 2° MM. Mercier et Langelier, d’abord appelés au ministère ; puis M. Mousseau s’effaçant, ces derniers, maîtres du pouvoir local que leur aura donné notre majorité conservatrice de quarante voix !

Tout cela parait un conte de fées. L’on ne saurait croire que la fourchette à M. Dansereau aurait la vertu de faire surgir de notre monde politique toutes ces invraisemblances… Et pourtant, Mercier et Langelier mis à la tête de la Province par l’homme aux commissions, ce serait moins ignoble que de voir Starnes, le suppôt de Joly dans le conseil, Starnes vendu à Letellier pour appuyer le fameux coup d’État, appelé au ministère par Mousseau qui stigmatisait avec tant de dédain, tant de vertueuse indignation, cette grande trahison nationale du deux mars, et tous les instruments dont Letellier s’était servi pour la faire triompher !