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politique provinciale, lorsque, dans la législature provinciale, se trouvaient nombre de vétérans de dix et quinze ans de service, aussi bien doués pour le moins que le nouveau premier ?

La raison : toujours la même ! Elle se trouvait, comme nous l’avons dit : 1° Dans la nécessité où se trouvait M. Chapleau d’échapper au verdict des électeurs de la province de Québec, et même à la critique sévère de ses derniers actes politiques, par la presse conservatrice indignée : offrant à Μ. Mousseau, une position égale à celle dont il le dépouillait à Ottawa, il le faisait déguerpir sans délai et pouvait lui-même filer de suite vers la capitale fédérale.

2° Dans le fait qu’il faut tout prendre : lieutenants-gouverneurs, premiers ministres, conseillers législatifs, hauts fonctionnaires de toutes sortes, etc., etc., dans la clique ou parmi ceux qui s’en sont fait les instruments et les valets.

3° Dans le fait que M. Chapleau a résolu de faire, à tout prix, l’alliance entre les conservateurs et les libéraux, dans la province de Québec, et que, comme lors de la destitution de Letellier, l’affaire des Tanneries, etc., etc., il préfère faire tirer les marrons du feu par les autres, plutôt que de risquer de se brûler les doigts. Car il sentait que des actes tels, par exemple, que celui de faire entrer M. Starnes dans le gouvernement, étaient joliment dangereux pour sa popularité.

Or, M. Mousseau était justement l’espèce d’homme qu’il lui fallait pour opérer cette manœuvre.

Doué d’une grande bonhomie, ne comprenant guère, ce que c’est qu’un principe, incapable d’en prévoir les conséquences, ne comprenant pas la corrélation immédiate qui existe entre les principes catholiques et les principes sociaux qu’il s’agit de faire triompher dans l’État ; pour cette raison, n’inspirant aucune crainte aux libéraux, parce qu’ils savent bien qu’ils en feront toujours ce qu’ils voudront ; d’un autre côté, possédant la sympathie des conservateurs, pour l’attachement qu’il a montré à son parti politique ; catholique pratiquant et pour cette raison sympathique aux catholiques, M. Mousseau était, dans la pensée de M. Chapleau, également acceptable aux conservateurs et aux libéraux.

Car, d’un côté, s’il lui arrive d’afficher du zèle pour les principes religieux, ou de manifester une grande admiration pour les chefs du mouvement catholique en Europe, d’un autre côté, il suit M. Chapleau et le seconde, peut-être sans s’en apercevoir, dans sa propagande libérale, et manifeste même au besoin des tendances libérales avancées : on se rappelle le douloureux étonnement, mêlé de stupeur, dans lequel il plongea un jour leurs Grandeurs Mgr  l’archevêque de St-Boniface et Mgr  l’évêque d’Ottawa, durant un dîner officiel à Rideau Hall, en faisant un éloge enthousiaste du sieur Gambetta !

Hâtons-nous d’ajouter qu’à tout cela il n’entend pas malice et que