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appuyé par ma Province de Québec ! À moi seul, je puis faire pencher la balance, d’un côté ou de l’autre, suivant que je place ma Province dans le plateau de Sir John ou dans celui de Blake. Or, les principes ne me gênent pas, mon bagage en est léger ! Qu’importe le plateau qui descende, pourvu que je monte, moi ! »


II


Tout le secret de sa grandeur future, c’était donc, pour M. Chapleau, de faire l’unité politique dans la Province de Québec.

Or, cette unité, elle était impossible tant que notre province se diviserait en partis, surtout, aussi longtemps que cette division serait basée, sur deux principes essentiellement opposés l’un à l’autre, le principe conservateur catholique et le principe libéral plus ou moins anti-catholique.

Pas d’union donc sans la destruction de l’un de ces deux principes.

Faire une union basée sur le premier eut été grand et patriotique ; c’eut été un projet digne-d’un véritable homme d’état, un projet dont la réalisation eut assuré à jamais, la prospérité de notre province. Le réaliser était d’autant plus facile que déjà l’union était plus qu’aux trois quarts faite, et par la proclamation, de la part de l’autorité religieuse, des enseignements propres à faire luire la vérité dans les esprits, et par un retour sincère d’un grand nombre de libéraux de bonne foi vers le principe catholique, les circonstances étaient donc exceptionnellement favorables. M. Chapleau ne vit malheureusement pas la voie lumineuse qui s’ouvrait devant lui, voie qui l’eut conduit à la gloire et eut assuré le bonheur de son pays. Une double pierre d’achoppement le fit trébucher.


III


La première, ce fut un faux calcul, en d’autres termes, ce fut l’illusion libérale.

Au lieu d’avoir foi dans le principe conservateur catholique, principe dont il avait été nourri dès son enfance, qui jusque-là avait fait sa force et lui promettait grandeur et succès, il se dit que la tendance du siècle étant au libéralisme, les sophismes modernes envahissant partout les sociétés, bientôt cette erreur puissante du libéralisme serait, en Canada comme ailleurs, « la grande force et le grand orgueil. »

Il crut donc que, pour être du côté du plus fort, pour triompher… pour régner ! il fallait être libéral… Libéral de principes seulement, car il voulait rester en politique du côté des conservateurs qui étaient les plus nombreux et avaient le pouvoir.

Mais comment put-il se convaincre que, par ce moyen, il arriverait